La comptine traditionnelle francophone
Cette petite fiche a pour but de vous donner quelques explications au sujet de la comptine et autres chansonnettes pour enfants, afin que vous puissiez créer les vôtres pour votre propre roman.
Source :
D'après l'introduction de Anthologie de la comptine traditionnelle francophone, par M.-L. Caëtano.
La comptine et autres chansonnettes pour enfants ont toujours peuplé les cours de récréation. Elles sont représentatives d'une culture populaire, d'un patrimoine qui se transmet oralement d'enfant à enfant.
Les origines de la comptine
Les comptines existent depuis l'Antiquité, même si leur origine reste inconnue. Leurs auteurs sont anonymes, il peut souvent s'agir de l'invention des parents pour amuser ou occuper les enfants. Elles peuvent même avoir eu un but plus sérieux avant que les enfants se les approprient : par exemple, les comptines numériques, qui servent à apprendre les chiffres.
La comptine évolue avec son temps, et les allusions historiques ne manquent pas. C'est un bon moyen de les dater, selon les événements auxquels elles se réfèrent.
L'évolution de la comptine peut aussi se manifester sous la forme de variantes : elles sont tout aussi caractéristiques (époque, région, âge...).
Mais pour la grande majorité, les comptines sont difficiles à dater et semblent exister depuis toujours : leur langage ou les structures archaïques qu'elles utilisent laissent croire qu'elles sont anciennes.
Les variantes
En tant que patrimoine oral, il est difficile de recueillir l'intégralité des textes, qui sont soumis à de nombreuses variations. Ces variantes s'expliquent par différents éléments : la mémoire, le régionalisme, l'audition ou la compréhension des enfants.
Ainsi, si l'enfant ne se rappelle pas d'un des éléments du texte, il le remplacera par un autre, quelque chose de plus familier et qui pourra s'intégrer facilement.
Le régionalisme influence les textes, en utilisant des noms de lieux ou d'objets ou autres, connus et familiers dans la région. À l'opposé, des mots à consonance exotique peuvent être privilégiés.
Comme pour tout, l'enfant retiendra moins bien ce qu'il ne comprend pas. Ainsi, l'enfant modifiera un texte pour y mettre plus de sens, tout en gardant les mêmes sons et le même rythme.
Le phénomène d'audition explique certaines variantes : des glissements entre des sons proches peuvent se produire.
Ces deux derniers phénomènes s'illustrent avec la comptine « Pomme d'api ».
Comptine d'origine :
Pomme de reinette et pomme d’api
D’api d’api rouge
Pomme de reinette et pomme d’api
D’api d’api gris.
Variante 1 :
Pomme de reinette et pomme d’api
tapis tapis rouge
Pomme de reinette et pomme d’api
tapis tapis gris.
Variante 2 (issue de la variante 1) :
Pomme de reinette et pomme d’api
petit tapis rouge
Pomme de reinette et pomme d’api
petit tapis gris.
On observe que les sons [ a ] et [ i ] ont été gardé, ainsi que le mot « rouge » ; les sons [ d ] et [ t ] sont très proches phonétiquement parlant. Ainsi, ne comprenant pas l'expression « d'api rouge », l'enfant le remplace par un mot ressemblant et qu'il connaît : « tapis rouge ».
Un peu de vocabulaire
Bien que l'on ait cherché à catégoriser les différents types de textes enfantins, il serait idiot de croire que les enfants tiennent compte de ces classements : ils utilisent allègrement n'importe quel texte pour presque n'importe quelle situation, au gré de leurs envies.
Il est à noter que de grandes lacunes existent sur ce thème dans les dictionnaires, qui s'intéressent assez peu au folklore enfantin.
La comptine et l'enfantine
Le mot comptine est assez récent puisqu'il date de 1926, attribué à Pierre Roy lorsqu'il publie ses Cent Comptines. La comptine est un petit texte rimé, mais sans structure littéraire établie, dont le rythme est scandé, et que les enfants chantent ou récitent avant de commencer un jeu, en comptant les syllabes pour déterminer celui ou celle qui jouera un rôle particulier. Les comptines sont des énoncés performatifs (on fait en même temps qu'on dit), où le compteur déclare que le joueur désigné à la dernière syllabe n'est pas « le loup ». Celui qui reste à la fin devient le loup.
Le mot comptine vient évidemment de compter (le meneur compte les autres enfants en scandant chaque syllabe). Les comptines peuvent parfois jouer sur les chiffres pour renforcer cet aspect.
Aujourd'hui, le mot comptine est devenu plus générique, et désigne tout texte enfantin sans distinction. C'est aussi la définition actuelle du mot enfantine.
Les formulettes et jeux de doigts
Une formulette est une petite phrase, rarement chantée, qui accompagne un jeu de doigts ou peut avoir un but incantatoire.
Exemple d'un jeu de doigts appris aux bébés :
Grand front
Beaux yeux
Nez de cancan
Bouche d'argent
Menton fleuri
Guili guili !
Tout en récitant cette formulette, chaque élément du visage est touché. Cette formulette fait également partie des comptines d'apprentissage, sur lesquelles nous reviendrons un peu plus loin.
Exemple de formulette à but incantatoire :
Escargot biborne,
Montre-moi tes cornes,
Si tu m'les montres pas,
Je te casse ta maison !
La formulette est donc une petite poésie enfantine sans réelle structure et qui développe l'aspect sonore et la musicalité des mots. Ces aspects ne se retrouvent pas dans la comptine au sens strict : le but de la comptine n'est pas seulement les jeux sonores, alors qu'ils sont primordiaux dans la formulette.
Kyrielle, randonnée et tape-mains
Une kyrielle désigne au départ une longue suite de paroles, telle une litanie, une série d'êtres ou de choses. On parle donc d'une kyrielle de reproches ou d'une kyrielle d'enfants. La kyrielle ou rime kyrielle est aussi une ancienne pièce de poésie française.
Le jeu de la kyrielle consiste à enchaîner des mots ou groupes de mots de sorte que la dernière syllabe de celui qui précède soit reprise comme première syllabe de celui qui suit. Une des plus célèbres kyrielles est « Trois p'tits chats ».
On peut également appeler ce texte une randonnée, et l'associer au tape-mains. Ces jeux sont surtout pratiqués par les filles à l'école primaire, et sont un jeu à part entière, associant le chant au fait de taper dans ses mains pour s'amuser. Les frappes se font selon un règle et un ordre précis que les enfants se transmettent.
Il faut toutefois différencier les véritables kyrielles comme « Trois p'tits chats » qui forme une sorte de « domino verbal » (Andy Arleo), des autres randonnées comme « Quand Fanny était un bébé », qui elle « forme un récit cohérent, qui met en scène le cycle de vie imaginaire et fantaisiste d’une femme, du berceau à la tombe, et même au-delà. Tout en parodiant le monde adulte, cette histoire permet à l’enfant de conceptualiser le temps, la croissance et la mort. »
Cette comptine est également sujet à variations puisque les fillettes peuvent remplacer « Fanny » par leur propre prénom ou celui d’une amie.
Le virelangue
Le virelangue est une locution, une phrase ou un groupe de phrases, caractérisé par sa difficulté de prononciation, de compréhension orale, voire des deux à la fois. Il faut répéter ce texte le plus rapidement et le plus longtemps possible. À un moment donné, la phrase se déforme pour devenir différente, ou inintelligible, ou encore faire ressortir un mot cru. Le virelangue le plus connu est « Les chaussettes de l'archiduchesse sont-elles sèches, archisèches ? »
Le mot lui-même est un néologisme provenant du mot anglais tongue twister : qui fait tordre la langue. Mais il désigne un jeu de mots très ancien : c'est un exercice d'articulation, « mais aussi un jeu sur le décodage des énoncés, qui par ailleurs contiennent souvent des pièges visant à faire prononcer ou à faire entendre un mot tabou ». Les virelangues sont par exemple très utilisés par les orthophonistes.
Un exemple de virelangue piège :
Pruneau cuit, pruneau cru
La berceuse
La berceuse désigne au départ la personne qui berce l'enfant pour l'endormir, puis la chanson ou l'air destiné à endormir l'enfant (il désigne également un type de fauteuil).
La berceuse se caractérise par un rythme très régulier et une « monotonie du dessin mélodique, dont le retour périodique et incessant, agissant chaque fois plus vivement sur les sens, calme les nerfs et provoque le repos ». Les paroles sont simples, n'ayant parfois ni lien logique ni sens, et pouvant même être une suite d'onomatopées : elles ne doivent pas retenir l'attention de l'enfant puisque la berceuse est destinée à l'endormir. La plus célèbre est « Dodo, l'enfant do ».
La ronde
La ronde est une danse où plusieurs personnes forment un cercle en se tenant par la main et tournent en rond. C'est également la chanson de cette danse. C'est une chanson à refrain, où chaque couplet est chanté par une personne, et le refrain en chœur ; chacun chante à son tour, et la danse s'exécute sur le rythme de la chanson.
Il est à noter que de nombreuses rondes font références à leur région d'origine.
« Sur le pont d'Avignon », « Sur le pont du Nord » ou encore « La danse du Limousin » sont des exemples de rondes.
L'expression « chanson pour enfants »
À l'origine, la plupart des chansons sont créées par des adultes pour des adultes. Les enfants se les sont appropriées et les ont modifiées à force de les entendre. Mais elles ne sont pas adaptés à leur âge. Aujourd'hui, il y a des chanteurs et musiciens qui composent spécialement pour les enfants.
Nous appelons chanson pour enfants tout texte chanté par des enfants, contenant un refrain et des couplets. Ce schéma refrain-couplet et la longueur différencient donc les « chansons pour enfants » des « comptines chantées ».
Les rondes, berceuses et canons sont des types de chansons pour enfants.
« La mère Michèle » ou « Le Roi Dagobert » en sont des exemples.
L'emprô
L'emprô est le nom suisse pour comptine. On parle aussi de l'emprô genevois, et on dit emproger pour commencer le jeu. Le texte de l'emprô est le suivant :
Emprô, Girô
Carin, Careau
Dupuis, Simon
Carcaill', Briffon
Piron, Labordon,
Tan té feuille, mouille
Tant té clu.[/b]
Dernière édition par Ethelinda le Mer 3 Déc - 15:45, édité 3 fois