Le salon des personnages

Pour la première fois ce soir, la clochette de la porte d'entrée se fait entendre. Entre alors un étrange couple mal assorti. Un homme, à la quarantaine vieillissante et à l'air taciturne, tient la porte d'une main ferme - l'autre étant appuyée sur sa canne d'acajou. Par une galanterie raide et agacée, il laisse ainsi passer la femme qui l'accompagne. Élégante dans sa robe qui rappelle quelque peu le style edouardien, souple par sa démarche, et quelque chose de revêche et de joueur dans le regard et dans l'insubordination de sa masse capillaire arrangée en chignon tressé. On l'homme sert les dents, comme tenter à l'idée de coincer sa robe dans la porte. Il n'en fait cependant rien et emboite le pas de la femme qui s'est installée dans un fauteuil près du feu. Bientôt, ils sont assis, ils se font face, ils se jaugent du regard, séparés par un petite table basse.

Enora, à l'adresse de son sinistre compagnon : Alors, heureux ?

Andrea, détournant le regard pour fixer le bar : Je pétille de joie.

Spoiler:

Andrea adresse un regard faussement creux à Enora en haussant les sourcils, l'air d'attendre qu'elle cède quelque chose. Elle acquiesce presque imperceptiblement, d'un pincement de lèvres.

Andrea à Dante : Un whisky, et un chocolat liégeois pour la lady.  

Enora ajoute en adressant un sourire au barman :

Enora :  S'il vous plait.

Spoiler:

Dante attrape un verre et le pose sur le comptoir. Il ne le sert pas tout de suite et se retourne pour s'occuper du chocolat.

Dante, dos aux clients: Vous avez fait bon voyage?

Enora, plissant d'un geste distrait les plis de sa robe : Mouvementé... (puis plus énergique) Nous pensions nous être perdus d'ailleurs ! Vous êtes assez en retrait ici. Les affaires fonctionnent malgré tout ?

Andrea se contente de darder un regard métallique sur le verre vide que ce barman tarde à servir.

Dante se retourne pour sortir un plateau et le pose sur le comptoir avant d'y placer la tasse dans laquelle flotte la mousse du chocolat liégeois.

Dante, en se penchant pour récupérer une bouteille sous le comptoir: Disons qu'on a notre clientèle. Monsieur, un single malt, ça vous convient?

Ishra entre dans le salon et replie ses ailes au maximum pour passer la porte. Elle salue d'un signe de tête le couple assis près du feu et s'assoit sur un tabouret, au bar. Elle sourit au barman.

Ishra : Bonjour. Qu'avez-vous comme jus de fruit ?

Dante, se redressant et servant l'amateur de whisky: A peu près de tout, mais je vous conseille le jus d'abricot.

Le barman fai le tour de son comptoir et prend le plateau pour aller servir sa commande. Dante perçoit le regard de la femme mais ne laisse rien paraître. Il commence par servir son chocolat liégeois et se contente d'ajouter:

- Si vous voulez davantage de sucre, n'hésitez pas.

Puis dépose son verre de whisky devant Andrea.

Ishra surprend le jeu de regard entre Dante et Enora mais n'y prête pas réellement d'attention.
Ishra : Va pour le jus d'abricot !
Se tournant ensuite vers le couple, elle adresse un sourire à Enora et agite légèrement ses ailes.

Enora remercie Dante (ce que ne fait pas Andrea), puis, devant le spectacle de la femme ailée, elle ne tient plus. Elle se lève et marche vers elle.

Enora : Excusez-moi mademoiselle... Mais... Alors ça c'est inédit ! Une merveille ! Des ailes ? De vraies ailes, de chair ? Mais d'où venez vous ! (Elle commence à faire le tour d'Ishra sans oser toucher à son plumage, mais très curieuse) C'est... incroyable ! Elles sont immenses ! (Puis elle se ressaisit quelque peu) Je n'avais jamais vu cela, excusez mon enthousiasme... Je ne vous importunerais pas plus...

Andrea lève les yeux au ciel devant le manège d'Enora. Loin de la réaction très excitée de sa belle-sœur, il observe d'un œil bien plus chirurgical l'étrange anatomie de la buveuse de jus d'abricot. Un spécimen déroutant, une curiosité génétique.

Ishra, ravie de son petit effet sur Enora, se laisse observer tout en surveillant les gestes de la jeune femme.
Ishra : Oui, des ailes de chair, d'os et de plumes. Je suis un Ange, je viens d'une Cité lointaine, voyez-vous.
Invitant Enora à s'asseoir sur le siège à côté d'elle.
Ishra : Elles sont suffisamment grandes pour me permettre de voler... comme les oiseaux. Parfois encombrantes dans de tel lieu mais elles sont toute mon identité.
Ishra jette un œil à Andrea et chuchote à Enora.
Ishra : Votre compagnon me semble de bien mauvaise compagnie...

Dante repasse derrière son comptoir, attrape une bouteille de jus d'abricot et un verre et va servir la jeune fille au centre de toutes les attentions de la salle. La porte à gauche du comptoir, restée jusqu'alors close, s'ouvre sur une femme dont les boucles rousses sont ramenées en un chignon faussement négligé. Dans ses bras, un bébé aux cheveux légèrement plus blonds observe la scène dans une moue inquiète.

Salomé, faisant se retourner Dante vers elle: Bonjour.

Enora s'installe avec joie auprès d'Ishra, armée de son liégeois et de son regard pétillant de curiosité.

Enora : Un Ange ? Je pensais que ce n'était une créature folklorique. Mais tous les mythes tirent leur inspiration d'un temps ou d'un lieu lointain n'est-ce pas ? Je n'ose pas vraiment m'imaginer quelles sensations peut procurer un vol sans moteur, sans machine. Simplement un vol naturel, oui, un vol d'oiseau... Que faîtes vous aussi loin de chez vous ? (Puis, devant la dernière remarque d'Ishra, elle roule des yeux et baisse la tête pour se permettre un rire discret) Oh, vous trouvez aussi ? Une vraie plaie, sous un ongle, qui refuse de cicatriser... C'est mon beau frère.

Entre alors Salomé et l'enfant. Enora lui adresse un sourire pour répondre à son salut. Andrea lui se masse déjà l'arrête du nez en sifflant son whisky. Si cette gamine se met à chialer (et c'est ce que font les enfants dès lors qu'ils ont un public), il passera vraiment une très très mauvaise soirée.

Ishra sirote son jus d'abricot.
Ishra : Il est possible que les Anges de mon monde soient intervenus dans d'autres mondes... Avec le temps, ils sont, en effet, devenus des créatures folkloriques. (s'enthousiasmant) Voyez-vous, le vol est une activité merveilleuse. Les sensations sont terriblement grisantes, on peut presque tout se permettre ! (se calme) Je suis ici pour échapper à certaines obligations et, je dois vous l'avouer, pour mettre ma sœur dans tous ses états. D'ailleurs, je pense la voir arriver d'ici peu, les poing sur les hanches ou quelque chose comme ça... Je vous parie même qu'elle va me faire la morale ! (boit une gorgée et sourit à la comparaison d'Enora sur son beau frère) On ne choisit pas sa famille, n'est-ce pas ? Pourquoi donc est-il ici ? Il a l'air si... taciturne !

Ishra salue d'un signe de tête Salomé et le bébé.

Savourant le bref tintement de clochette comme un applaudissement personnel à son entrée, Marlow pousse bientôt la porte du bar et entraîne dans son sillage la silhouette d'une bien jeune femme pendu à son bras. Farouche face à ce public, la jeune femme ne retrouve un peu de douceur sur ses traits que lorsqu'elle se penche vers son ami.

Annaelle, dans un murmure complice à l'adresse du vieillard:
-Je rêve que nous sommes des papillons n’ayant à vivre que trois jours d’été. Avec vous, ces trois jours d’été seraient plus plaisants que cinquante années d’une vie ordinaire., murmura doucement une jeune femme pendu au bras.

Un léger rire quitte alors les lèvres de Marlow qui se penchant à l'oreille de sa compagne, murmure:

Marlow: C'est un bien beau présent que tu me fais là, ma chère Annaelle.

Sans se soucier ni paraître choqué de la présence de l'étrangeté ailé, ils prirent alors place après un rapide regard en direction du barman pour tout salut.

Dante adresse un regard tendre à Salomé et au bébé avant de soupirer pour lui même en voyant Marlow et Annaelle s'installer:

- Les emmerdes commencent...

Dante contourne le comptoir et rejoint sa femme pour embrasser le front de leur enfant.
Salomé chuchote: J'ai préparé tes injections.
Dante acquiesce et désigne Annaelle et Marlow du menton: Je vais les servir et je suis à toi.

Enora, se délecte de la chantilly de son liégeois du dos de sa cuillère en écoutant attentivement sa toute nouvelle amie.

Enora : Et vous pouvez voler à quelle vitesse ? N'est-ce pas terriblement éprouvant ? (Elle sirote un peu sa boisson et pourlèche la moustache de crème qui baptise ses lèvres) Des obligations ? Je pense que je vois ce que vous voulez dire. Pour votre soeur, d'après la posture que vous me décrivez, je vous avertirai si je la vois poindre dans votre dos. (Un temps) On ne choisit pas non. Je lui avait promis un verre, en échange d'un service. Croyez moi vous le préfériez taciturne. Il y a des aspects de sa personnalité bien plus désagréable. Abject même, je dirais. (Elle rumine un instant quelques souvenirs enfouis) Mais, au fait !  Je ne me suis pas présentée : Enora Terman de Maël, enchantée de faire votre connaissance.

Andrea, qui est toujours dos à la plupart de la salle, consent enfin à faire don de quelques mots, tendus dans un râle grave, au couple nouvellement arrivé.

Andrea : Ne traduisez pas Keats. C'est insultant.

Enora sursaute en entendant le timbre de voix râpeux d'Andrea. Elle lance un regard aux nouveaux arrivants, un instant inquiète, connaissant le petit plaisir coupable d'Andrea qui consiste à se mettre les gens à dos en un minimum de temps.

Annaelle qui n'avait pas remarqué ce petit bout d'homme taciturne, soupira alors gravement sans prendre la peine de se retourner:

Annaelle : C'est pourtant la plus sûre des manières de transmettre son héritage. L'anglais est un luxe qui s'est perdu depuis longtemps.

Marlow esquisse un léger sourire à la remarque de l'inconnu, amusé par ce personnage.

Salomé suit un instant du regard Dante rejoindre Annaelle et Marlow avant de s'approcher d'Enora et Ishra dans un sourire.
Salomé pour Ishra, alors que Cassandre cache son visage dans le cou de sa mère: Vos ailes sont magnifiques (puis pour Ishra et Enora), vous venez ici pour la première fois?

Dante lance un regard vers Andrea avant de soupirer aux derniers arrivés: Je vous sers quoi?

Andrea articule simplement, toujours aussi sinistre : Traduttore, traditore.

Enora se détend tout à fait à l'arrivée de Salomé et adresse un sourire attendri à la jeune Cassandre.

Enora :  Oui, la toute première fois. C'est un peu un hasard à vrai dire. Vous tenez cet endroit depuis longtemps ?

Cette fois Annaelle adressa un hochement de tête à l'encontre de Dante, en guise de salut.
Annaelle: Un café, Dante , s'il te plait.

Marlow jugea un instant le nouveau venu. Il prit son temps pour le détailler avant de retrouver un sourire jovial.
Marlow: Un digestif sera très bien.

La jeune femme adresse alors un vague regard à Andrea en l'entendant.
Annaelle: Laisser ces vers se perdre dans l'oublie serait bien plus impardonnable. Mon crime est celui de la nécessité. Monsieur?

Ishra, réfléchit : J'ignore vraiment à quelle vitesse je peux voler. Tout va dépendre du vent, des courants d'air... Enfin, je n'ai jamais cherché à estimer ma vitesse. Peut-être demanderai-je à des personnes plus avisées que moi sur la question. (s'assombrit un peu) Oui, des obligations... Je suis la petite-fille du roi et il aime nous mettre en avant, mon frère, ma sœur et moi. Mais c'est d'un ennui ! Je suis bien ici, en votre compagnie. (jette un œil à Andrea) Vous ne semblez guère apprécier votre beau-frère et, à en juger par son comportement, je vous comprends. N'abordons pas ce sujet, vous vous en porterez bien mieux ! (se redresse un peu) Enchantée, Enora. Je m'appelle Ishra.

En entendant Andrea, Ishra pose une main sur le bras d'Enora.
Ishra : Oubliez-le... (à Salomé) Une première pour moi... et pas la dernière j'espère.

Ishra salue les deux nouveaux arrivants.

La porte s'ouvre avec fracas sur un autre Ange, Ehoral. Elle repère sa sœur et met ses poings sur ses hanches.
Ehoral : Toi ! Tu rentres immédiatement !
Ishra, à Enora : Les poings sur les hanches, qu'est-ce que je disais ? (à Ehoral) Détend-toi, Ehoral et viens prendre un verre. Il faut que je te présente quelqu'un.
Ehoral vient s'asseoir à côté d'Ishra et tape l'arrière de la tête de sa sœur.
Ehoral, à Ishra : Tu as le don pour me faire perdre mon sang-froid. (à Enora) Bonjour, Madame.

La survenue impromptue arrache cette fois un sursaut puis un sanglot à Cassandre. Salomé essaie aussitôt de la calmer.
Salomé, en berçant Cassandre: Je suis désolée... (à Enora) j'espère que vous vous plairez...(à Ehoral) Bonjour.

Dante acquiesce et s'éloigne de la table. En passant devant Andrea il le détaille d'un regard, s'éclaircit la gorge d'un grognement et retourne derrière son comptoir.