par Gina M. Ven 19 Aoû - 18:35
Jérémie aura écouté d'une oreille le souvenir évoqué par Salomé. Lui aussi reste rêveur quelques secondes, à l'image de cette jeune étudiante privée de ses livres. Privée de tout un monde et d'un trésor à la source duquel elle avait dû cultiver sa force. Il songe aussi à la ténacité de l'enfant qui n'avait pas cédé à la délation. Un livre et un pistolet. Deux armes.
Juan (à Dante, en mettant les derniers coups de griffe puis sa signature au portrait de famille à la sanguine) Oh, b'en merci beaucoup ! (Large sourire) Oui, une demande de votre femme. J'espère qu'elle aussi sera contente du résultat. (se reporte sur le dessin où la famille apparaît, vaillante dans ses liens en gardant ce beau naturel et une simplicité qui a quelque chose du bonheur lumineux et fragile)
La bouche de Gérald se tord en un rire étrange lorsque le musicien plaisante quant à l'activité sexuelle de son frère. Il garde ce rire plaqué au visage pour répondre :
Gérald. (à Andrea) C'est drôle, hier entre deux plaisanteries, mon bouffon me demandait aussi quelles étaient mes goûts et spécialités en matière de mort. Il ne s'est en revanche pas encore soucié de mes bourses.
Juan (rictus presque amusé à l'échange entre Andrea et le roi, puis à Gribolt, étonné) B'en ça s'appelle du dessin et de la peinture. On connaît pas ça dans ta contrée ? Comment fait-on alors par chez toi, jeune homme ? (Un temps) Oui, c'est le tavernier. (se plaît à expliquer, tout en protégeant le dessin pour Dante et Salomé avant de sortir une nouvelle petite feuille. Ille fait des mélanges sous les yeux de Gribolt) Tu vois, on compose la couleur à partir de pigments, souvent minéraux. Pour les plus riches artistes, elle est parfois déjà prête en pots. Ensuite, tout est dans le mêlement. (Caresse la feuille du bout de son pinceau, sa voix s'adoucit et ralentit) Voilà... On apprivoise... On lance un geste au vent... hop ! Chaque teinte, et sa complémentaire pour faire la part d'ombre. (Barbouille très vite un paysage - ou plutôt une impression fugace - ressemblant à ces terres rousses décrites par le voyageur)
Jérémie (au bar avec David) Mais les monstres sont souvent magnifiques... Handicap ? Le mot est curieux... On ne le connaît pas encore à mon époque. Quant à "invalides", hum... Voilà qui réduit à un "moins". (Rieur) Alors que certains écrivent au contraire en mon temps - non sans humour - que l'infirmité pourrait être comme un poids compensatoire donné à des êtres très doués - trop. La théorie est au moins drôle. Mais c'est plutôt l'inverse, on développe encore mieux d'autre branches quand l'une est rompue. (Hausse les sourcils à l'âge du garçon, avec une forme d'admiration) Treize ans.
(Suit d'un regard complice et amusé le sourire espiègle de David vers Dante pour se faire offrir une bière. Jérémie n'aura rien dit, laissant l'autorité au maître du lieu qui trouve finalement un compromis. L'esclave se sert un grand verre d'eau puis juste un peu de vin, soucieux de ne pas abuser de la générosité de Dante et Salomé. Il pioche dans ce bol de petites boules salées que Dante a appelé "cacahuètes" et apprécie.)
Gérald s'était retourné à l'instant beaucoup trop mauvais où Gribolt lui tendit un doigt dont il connaissait la signification. Ce geste, le crachat de la bohémienne, le regard mauvais du tavernier... Cet endroit fonctionnait certes manifestement selon des mœurs différentes et Gérald avait beau être froid et patient, il arrivait un moment où il fallait être clair. Outré, il fronce les sourcils et se prépare.
Jérémie (un moment pensif, puis à David, presque timide) Une histoire... voyons... On raconte... qu'au fin fond d'un de ces villages noirs de lumière, le mauvais œil s'était posé sur une femme parce qu'un jour elle avait chanté. "Indécence." Devant leur tribunal, les juges la siégèrent. Une nuit, il se passa ce que nul ne sut vraiment, puis elle fut exilée. On la vit monter avec le vent en haut d'une dune. Puis disparaître. De l'autre côté de la terre (petit sourire) ou dans le ciel ? (sa voix est différente, comme venue d'un autre que lui, et des profondeurs. Elle est aussi paisible que ses mains posées sur ses genoux. Il est toujours aussi droit. Peu à peu, il ferme les yeux) Des voyageurs prétendent que c'est elle - ou son spectre - qui leur apparaît en mirage dans le sable. Un corps noir dans ses voiles de statue qui claquent tout autour comme du bois. Et le vent siffle aigu. Sa peau est de pierre, marquée. Elle craquelle au creux des mains brunes du désert. Un jour, une petite vagabonde qui la vit de plus près - si furtivement qu'elle ne sut si elle avait déliré sous la chaleur - parla de grands yeux de lumière ou de feu. Elle avait aussi cru l'entendre lui dire......
Gérald (se lève vivement, plaque Gribolt contre le mur de son poing énergique tandis que l'autre se porte à la garde de son épée) On joue au plus malin, jeune coq ? Il ne s'agirait pas de t'aventurer trop loin. Que sais-tu de moi, de mon pays et des exigences de ma fonction pour te permettre... (son regard dévie et passe un peu sur l'ensemble de la pièce)
Jérémie (secoue légèrement la tête, surpris par la voix du roi aussi menaçante que ses gestes lorsqu'il rouvre les yeux, contrarié moins par son récit interrompu que par la crainte des événements) Oh bon sang, ça chauffe... (se lève, à David) Excuse-moi ! (approche de Gribolt et de Der Ragascorn qu'il feint de ne pas connaître - regard à Dante. Voix dure) Messieurs, du calme. Je vous en prie !
(depuis l'étage, les gardes avaient pointé le nez, à la voix contrarié du monarque. Juan se tient soigneusement à l'écart.)