par Kean Mer 10 Aoû - 18:17
Enora haussa les sourcils devant la réponse de Dante.
Enora (à l'adresse de Dante, amusée malgré sa fatigue) : Vous êtes très perspicace, je ne doute pas de votre jugement.
Elle s'engage ensuite à la suite de Salomé et disparaît avec elle à l'étage.
David, qui aura suivi la sortie des deux femmes, se retourne de nouveau vers Jérémie.
David : Ah, c'est donc cet homme qui vous a permis en quelque sorte de volé le feu sacré ? C'est vrai que le savoir, la culture, la curiosité même, ça creuse des fossés de solitude parfois. Ça arrive que des gens me trouvent anormal parce que je me pose beaucoup de questions. Anormal dans le bon sens, mais aussi dans le mauvais. C'est mal vu d'être un "intello" auprès de certaines personnes. Sans doute que oui, ça doit les ramener à quelque chose de vexant. C'est dommage. Mais je pense que l'orgueil est dans l'autre sens : ceux qui me reprochent d'en savoir trop ou de la ramener à longueur de temps sont souvent ceux qui ne savent plus supporter d'être dans le rôle de celui qui apprend. Les gens veulent s'affirmer tout le temps j'ai l'impression, avoir un avis sur tout mais sans prendre la peine de le construire. C'est ça en fait, un trésor s'oublie vite. Le goût de l'effort aussi je crois. Enfin. Mais oui, il y a la culture intellectuelle et celle de la terre, les deux sont respectables, mais tu vois, à mon époque, il y a des personnes qui vivent sans avoir ni l'une ni l'autre. Et ils comblent le vide avec du divertissement facile, au sens de Pascal. (Puis, il écoute la question de Jérémie et grimace de gêne en cherchant, ses yeux tout verts au plafond, comment il va bien pouvoir expliquer rapidement internet en quelques mots) Internet... oui, alors... En fait, faut que tu imagines que c'est comme une immense... bibliothèque, mais immatérielle. Elle n'existe nulle part, mais grâce à des machines, ont peut y avoir accès et lire ou regarder ou écouter son contenu. C'est quelque chose d'universelle, et de libre : tout le monde peut y créer du contenu ou le consulter. Bon, après y a des exceptions, certains pays ne permettent pas à leur population d'aller librement sur Internet, des dictatures tu vois ? Voilà, c'est à peut près ça internet.
Il s'interrompt ensuite, gêné par le peu de manière et le haut volume sonore de Gribolt, et son front s'ennuage d'un froncement de sourcil. Ayant pris le "tavernier bedonnant" en affection, David prend presque pour lui ce manque de considération pour le père de Cassandre. Cependant, il ne juge pas nécessaire d'intervenir. Le compagnon de cet intrus semble plus prompt aux civilités, et il préfère attendre que l'homme à la canne ou que Dante le remette à sa place.
Ce que l'homme à la canne ne fait pas, mais il prend soin d'entrainer sa mélodie et son jeu vers des sons particulièrement brusques et crissants, un sourire sombre étirant sa bouche. Les notes se succèdent alors, chaotiques, menant leur auditoire vers un climat d'agressivité et de tension palpable.
Andrea (répétant pour lui) : De torture.
Et c'est après un hurlement de violoncelle particulièrement aigu que la porte de la taverne s'ouvre de nouveau, sur une femme cette fois ci. Un femme qui s'annonce tout de suite d'une extraordinaire étrangeté.
Elle va, nu pieds, jusqu'au milieu de la pièce, baladant les plis et les clochettes à ses jupons colorés. Elle déroule ses deux bras à la peau halée alors qu'elle ôte le plus épais de ses châles et libère son imposante chevelure d'ébène de ses enchevêtrements de tissus. Son regard noir ne s'attache à rien lorsqu'il tourne avec son cou jusqu'au musicien, et elle lance d'une voix rendue rauque par un trop long silence.
Soledad : Respecte-le comme ton père.
Le violoncelliste s’interrompt, avec sur le visage l'esquisse d'un emportement dissimulé sous la franchise de sa surprise. La bouche entrouverte sur ses dents, il observe l'étrangère s'installer non loin du feu. Il durcit son regard alors qu'elle allume une pipe en appuyant une de ses jambes sur l'encadrement de la cheminée. Ses jupons glissent, dévoilent sa cuisse. Elle fume en silence, un sourire mutique flottant autour d'elle. Les plus observateurs remarqueront qu'aucune ombre n'entrave ses chevilles ni son corps : elle l'avait depuis longtemps vendue.